UN PRECURSEUR DES LUMIERES
L’essai que nous procure la nîmoise et universitaire Simone Mazauric relève pour l’histoire des idées de ce qu’en peinture on nommait à la fin du XVIIè siècle le portrait de groupe. Au premier plan, Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657-1757). Neveu de Corneille, philosophe et poète, « un français dégagé et subtil », auteur de l’ « Histoire des Oracles » et des « Entretiens sur la pluralité des mondes ». (1686). Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences quarante ans durant. A ce titre chargé de prononcer les « Eloges » des académiciens disparus et de rédiger l’Histoire de l’institution royale. Et qui d’un genre littéraire traditionnel fait la matrice d’une nouvelle discipline - l’histoire des sciences. L’entourant, à droite et à gauche du tableau, on imagine, sous un écu portant la devise latine « Aemula lauri » (égal en lauriers), Voltaire, d’Alembert, Condorcet, Bailly…Car Fontenelle est un guetteur de l’ombre, un précurseur des Lumières. En écho à l’historien Paul Hazard (La crise de la conscience européenne, 1680-1715 – Fayard, 1935) qui notait que « la raison et l’observation ont fait litière des erreurs séculaires ; la terre et le ciel sont changés », S. Mazauric souligne la filiation qui unit entre eux ces figures de la liberté intellectuelle. Les sciences relèvent de l’histoire. Elles n’ont plus aucun fondement métaphysique. L’erreur est une vérité en devenir. Le monde va vers le progrès, l’innovation, le changement. Du temps de Fontenelle, il existait à Bologne une Académie des Sciences intitulée « Académie des Inquiets ». Lui se préfère en Curieux. Mais n’est-ce pas équivalent, dés lors que l’anime « la conviction de l’utilité publique des sciences » ? Que tous s’approchent de l’arbre de la connaissance ! « Ce n’est pas un plaisir comme celui que vous auriez à une comédie de Molière, c’en est un qui ne fait rire que l’esprit. »
Michel Boissard
Fontenelle et l’invention de l’histoire des sciences à l’aube des Lumières, S. Mazauric, Fayard, 2007, 24 euros