Le nouveau voyage en Orient

Publié le par Michel Boissard


 

Dès l’abord paradoxal – dédié  à  François Maspero et à Jacques Chirac – le livre de Régis Debray -  récit de voyage, essai aussi bien que témoignage - se place sous le signe du Flaubert visitant l’Egypte et la Palestine. Au premier, il doit l’idée de mettre ses pas dans le sillage de ceux du Christ. Au second, il rend ainsi tardivement un rapport dont il avait été chargé sur « Les chrétiens en Orient ». Du troisième, il a l’acuité décapante du regard et la qualité de style de l’écrivain.   On pourrait ajouter qu’il s’inspire également   de Chateaubriand. Mais du Vicomte, il ne reprend, finalement, que la démarche de l’ « Itinéraire de Paris à Jérusalem ». Le voici, en effet, passant de Nazareth à Bethléem, de Jéricho au Liban, des deux Jérusalem  à Tibériade, de la mer Morte au Liban et à la Syrie. Observant qu’à la différence du temps de Jésus - allant et venant sans obstacle d’une contrée l’autre - la Terre sainte d’aujourd’hui est morcelée de frontières, enclose de murs, bardée de séparations. Au propre et au figuré.  Le lieu d’élection des trois monothéismes – islam, judaïsme, christianisme – est devenu le tombeau de la tolérance, le cimetière du respect, la nécropole des droits nationaux des peuples à  la citoyenneté  et à la dignité humaine. Lucide, Régis Debray l’est davantage que candide. Bien informé. Ami d’Israël comme des Palestiniens. Politique jusqu’au bout des ongles,  il use de ce qualificatif comme d’une commodité littéraire. A la manière gaullienne. « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » écrit De Gaulle, au seuil d’un chapitre célèbre de ses « Mémoires de Guerre » - nous sommes alors en 1940…  Réutilisée aujourd’hui, cette simplicité quasi-biblique  permet  à l’auteur de dialoguer avec   « l’arabe israélien-chrétien-communiste »,  le Frère musulman, le général Aoun ou l’archevêque de Tyr… Mettant en évidence l’inextricable enchevêtrement des cultures, des religions et de l’Histoire, sur un même territoire inlassablement disputé entre  frères ennemis !

                                                                                                                          

                                                                                                                          Michel Boissard

Un candide en Terre sainte, R. Debray, Gallimard, 2008, 22,50 euros

 

                                              

                                             

                                                      

Publié dans articles La Gazette

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