Concerto pour un roman

Publié le par Michel Boissard

Concerto pour un roman

 

Une écriture nette. Des phrases économes de mots. Reconnaissable entre toutes, la petite musique d’Anne Bragance. Ténue, têtue, tenace. Un récit polyphonique. Chaque personnage complète, corrige, modifie le point de vue de l’autre. Dans un monde à la fois solitaire et solidaire. Dont Esther serait le symbole. Elle a la trentaine. Muette de naissance et mutique par choix. Curieusement traductrice de métier. Et cleptomane à ses heures. Affublée d’une sœur, Salomé, bavarde prolixe. Au côté de qui, le jour d’une promenade ordinaire, elle voit « prostré contre le mur d’une venelle » un homme pleurer. Que peut-on savoir des peines d’autrui ? Autour de cette banale interrogation, tel un motif musical sans cesse répété et chaque fois élargi, ce roman se déplie, se déplisse, se déploie en concerto. A la manière du « Boléro » de Ravel. Voici donc l’histoire de Nicolas Revel. De sa mère castratrice et friquée. De sa sœur Clara. De leur nurse Judith. De ses amours de garçon pour le barman Léonello. Drôles de gens que ces gens là. Vivant ensemble séparés. Réunis seulement pour la balade dominicale. Celle, précisément, au cours de laquelle Esther remarque Nicolas. Et, comme le génie Asmodée soulevant le toit des maisons pour découvrir la vie de leurs habitants, débusque la souffrance d’un homme. Mais sans jamais la pouvoir partager.

 

Michel Boissard

 

D’un pas tranquille, A. Bragance, Actes Sud , 2007, 18,80 euros

Publié dans articles La Gazette

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