Drôle de paix, drôle de guerre
Drôle de paix, drôle de guerre
Aux dernières lignes du « Sursis », le roman de Sartre, nous sommes le 30 septembre 1938, à l’aéroport du Bourget. Edouard Daladier, le président du Conseil français, revient de Munich. Cédant à Hitler, avec la complicité passive du Premier britannique, sous l’œil goguenard de l’histrion Mussolini, il « a signé la paix sur le corps mutilé d’un peuple libre » (Gabriel Péri, député communiste). Et accepté le dépeçage de la Tchécoslovaquie. Au profit des nazis. Lorsqu’il pose le pied sur le tarmac, la foule en délire l’acclame. Daladier, qui s’attendait à être écharpé, lâche entre ses dents : « Les cons ! » Reste à savoir comment on en est arrivé à cette véritable « mystification » (Paul Nizan). Georges-Marc Benamou imagine que, trente ans après, une jeune journaliste décide d’interroger l’unique survivant de cette conférence de Munich. Le fantôme Daladier. Retiré dans une île au bord du Rhône, jouant les héros taciturnes à la Simenon, celui qu’on surnommait « le taureau du Vaucluse », l’agrégé d’histoire qui enseigna au lycée Daudet de Nîmes, se livre. Et retrace les quelques jours de crise internationale qui, d’après Léon Blum, débouchèrent sur un « lâche soulagement » généralisé. Puisant aux sources de notre histoire, cette fiction imite un remarquable thriller politique. Situations, personnages, discours, coups de bluff : tout y est. Le rideau peut se lever sur Munich ou la drôle de paix. Juste avant la drôle de guerre.
Michel Boissard
Le fantôme de Munich, G.M Benamou, Flammarion, 2007, 19 euros