Résistance c'est espérance

Publié le par Michel Boissard

Résistance, c’est espérance

 

Patrick Cabanel nous offre un petit livre inclassable. Promenade poétique, des Cévennes à la mer. Méditation autour des deux religions minoritaires du Livre et de l’Exil, le judaïsme et le protestantisme. Pèlerinage historique aux deux sites inscrits au patrimoine éthique de l’humanité. L’un dresse la pierre blonde de la Tour de Constance sur les plaines salées qu’aima Maurice Barrès. L’autre érige le village du Chambon-sur-Lignon « comme un toit de prairies et de neige » au milieu du Jardin de l’Eternel. Ni l’un ni l’autre ne sont des lieux saints. Dans leur orgueilleuse solitude, les huguenots n’en connaissent point. Mais des lieux de mémoire. Dans la vieille ville d’Aigues-Mortes, chantée par le nîmois Bigot, le mot constance est devenu le substantif du verbe résister. Prénom de femme mis au pluriel dès la Révocation de l’Edit de Nantes (1687). Dans la tour aux étroites meurtrières, se retrouvent, prisonnières pour la Foi, Marie Rougière, Marie de Capdur, Marie Durand – je vous salue Maries ! – et Françoise (du Chambon), Elizabeth Mounière, Anne Boudon, Anne Saliège … Tant d’autres « accablées de douleur, connaissant un enfer anticipé, une vie plus languissante, même plus amère que la mort. » Ces captives, mortes d’enfermement pour les unes, les autres libérées au bout de vingt, trente ou quarante ans, sont les sœurs des déportés de Ravensbrück. Le mères ou les tantes de ces mille enfants juifs qui hantèrent les collines du Velay. Fragiles et pathétiques silhouettes sauvées du désastre. Par ces paysans protestants, ces instituteurs laïques, ces pasteurs buveurs d’eau claire dont, trois siècles plus tard, la force tranquille fait écho à l’Iliade camisarde.

Michel Boissard

 

La Tour de Constance et le Chambon-sur-Lignon, L’oubli et le royaume, P. Cabanel,

La Louve,  2007, 10 euros

 

Publié dans articles La Gazette

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