HENRI BOSCO, LES SONGES DE LA MEMOIRE
A la manière des Cévennes pour André Chamson, Jean-Pierre Chabrol et Jean Carrière, on appose volontiers l’étiquette « Lubéron âpre et mystérieux » sur le nom du romancier et poète Henri Bosco (Avignon, 1888 - Nice, 1976). Un écrivain régionaliste, en somme… Mais ici ou là, qu’on ne s’attende pas à un air de fifre ou de galoubet rythmant une folle farandole. Le paysage provençal de Bosco est seulement un de ces « lieux où souffle l’esprit » chers à Barrès, note l’universitaire Claude Girault. Aussi imaginaire que le sont ses souvenirs, dont reparaît aujourd’hui le premier volume « Un oubli moins profond ». Un récit - une reconstruction de la mémoire, comme l’ont fait Jean Giono (Jean le Bleu, 1932) et Marcel Pagnol (La Gloire de mon Père, 1957) - où la chronologie s’efface devant le choix de moments révélateurs. « … Je ne sais plus si j’ai ou non inventé cette scène et si ce personnage attentif aux oiseaux de nuit est une fiction ou moi-même en songe. Car le souvenir n’est qu’un songe… » Passionné par l’auteur de « L’Âne Culotte » (1937) et de « L’Enfant et la Rivière » (1953), le philosophe Gaston Bachelard voit dans cette « rêverie vers l’enfance » de Bosco une sorte de condensation en un seul lieu de « l’ubiquité des souvenirs les plus chers » (Poétique de la rêverie, 1960) La figure du père, génial bricoleur. La fictive et puissante Tante Martine. « L’accorte Mercédès, la fille délurée de Don Ezéchiel, père des acrobates espagnols ». Le pâtre Béranger et le braconnier Bargabot faisant cortège à l’enfant, né rue Carreterie, en Avignon. De même que les épiciers Gros Girard et Petite Girard et le cordonnier Simon, le clown Babinello et l’oncle Garcin… Etonnez-vous, après cela, que Henri Bosco ait « écrit (son) premier roman à l’âge de sept ans » !
Michel Boissard
Un oubli moins profond, H. Bosco, L’Imaginaire - Gallimard, 2011, 12 euros