MAURICE BARRES, UN AMATEUR D’ÂMES
Maurice Barrès (1862-1923) est un passant considérable de la littérature gardoise. On méconnaît les pages si musicales du « Jardin de Bérénice » (1891), érigeant Aigues-Mortes en Venise romantique. « Terres violettes, étangs d’argent et de bleu clair, à l’horizon des voiles gonflées vers des pays inconnus ». Où s’enchâssent les amours de Petite-Secousse et de François de Transe… Pour ne retenir que le nationaliste de « la terre et les morts », l’ antidreyfusard patenté. La réédition des « Cahiers » permet de réévaluer l’œuvre et l’écrivain qui séduisirent le critique littéraire Léon Blum. Et comptent dans leur sillage aussi bien Aragon que Bernanos ou Gide, Mauriac que Malraux… Voici le journal de la vie « extime » de l’écrivain. Qui commence par l’enterrement de Verlaine (1896) : « Tous les amis sont là ! » Evoque la défaite du candidat Barrès aux législatives de Neuilly, le rôle des partis et la condition de « l’homme libre » en politique. Narre la mort d’Alphonse Daudet, réunissant autour de l’auteur du « Petit Chose » les frères ennemis Zola et Barrès. L’Affaire Dreyfus n’a encore que deux ans… On croise la poétesse Anna de Noailles qui fut le grand amour de l’auteur d’ « Un jardin sur l’Oronte ». Et on découvre l’esquisse d’ une nouvelle intitulée « Rêverie »… On cite Pascal et Renan, ou « La Guerre et la Paix « … Mi-auvergnat, mi-lorrain, Barrès emmagasine des tas de sensations cosmopolites à Venise, Tolède et Sparte. Il se fait amateur d’âmes. Pénétrant les êtres par delà les apparences. Le créateur est à l’œuvre.
Michel Boissard
Mes Cahiers, 1896-1904, M. Barrès, Editions des Equateurs, 2010, 30 euros