PENELOPE CONTRE PETAIN

 

 Stabat mater dolorosa. Marie, la mère des douleurs se tenait debout. Au pied de la croix où mourait Jésus. « Qu’est-ce qu’une mère sans son enfant / Qui serre ses bras sur une poitrine creuse »  interroge Jean Rouaud (1952). Claude Simon (1913-2005), l’écrivain-vigneron de Salses, parle de la veuve de guerre. Qui fait de son voile de deuil « un oreiller au garçon qui s’endort au contact rugueux et rêche du crêpe ». François Mauriac (1885-1970) restitue en Blanche Frontenac (Le Mystère Frontenac, 1933) la sainte mère berçant son dernier fils : « …tu n’es pas seul. Jésus habite les cœurs d’enfants. Quand tu as peur, il faut l’appeler, il te consolera. » Racine peint avec Andromaque la mère intrépide. La femme d’Hector, tué à la guerre de Troie, exaltant sa progéniture : « Mais il me reste un fils .Vous saurez quelque jour, / Madame, pour un fils jusqu’où va notre amour ».Le fils se tient prés de la mère mourante. Jean-Noël Pancrazi (1949) témoigne avec « Renée Camps » (2001) : « Seul son souffle me guidait dans l’obscurité. Quand j’entrai dans la chambre, après deux ans d’absence, et que je me penchai vers elle, elle murmura à peine étonnée : Tu es-là mon fils ? » On peut détester (ou être détesté de) la mère. Comme le « Poil de carotte » de Jules Renard (1864-1910) l’est de Madame Lepic : « Les uns disent qu’elle ne peut pas me souffrir, et les autres qu’elle m’aime beaucoup, mais qu’elle cache son jeu. » Ou la vénérer. Ainsi, d’Albert Camus (1913-1960). « Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » Malgré Pétain qui inscrit son obligatoire culte « douceâtre » (Michèle Gazier) au calendrier de 1941, tout en faisant guillotiner en 1943 « une faiseuse d’anges », la mère se nomme Pénélope.  Fidèle à Ulysse. Et  « Mère Courage » de Télémaque.

                                                                                                 Michel Boissard

Le goût des mères, présenté par Michèle Gazier, Mercure de France, 2012, 7 euros