SOUTIEN ET GLOIRE DE L’HUMANITE

Marcelle, Laure et Maxie : la mère et les deux tantes du jeune bordelais Philippe Joyaux. On pense au vers d’Aragon : « Marguerite, Marie et Madeleine, il faut bien que les sœurs aillent par trois. » Et à son article desLettres françaises, en 1958, pour saluer la publication d’Une curieuse solitudesignée de celui qui deviendra l’écrivain Philippe Sollers (1936) : « Ce n’est pas tous les jours qu’un jeune homme se lève et parle si bien des femmes. » Trente ans après la parution du roman significativement titré : « Femmes » (1983), démiurge d’une œuvre polyphonique majeure dans la littérature de notre temps, Sollers parle des femmes de sa vie. Une mère qui plane, grande lectrice, et pas seulement de Proust… Et deux tantes qui, nonobstant l’inceste, l’auraient bien déniaisé. Dans ce milieu de grande bourgeoisie, les hommes - donc les pères - sont à la fois inévitables, pesants, au travail, donc absents. Ainsi débute un cante jondo à la passion du Deuxième sexe. Un éloge cursif de l’odor di femina. Où éclatent, ensemble entrelacées, la sensualité et l’intelligence. Deuxième triade : Eugenia, Dominique et Julia. La femme de ménage basque espagnole qui sera la Graziella lamartinienne de notre auteur. Puis, Dominique Rollin (1913-2012), la romancière bruxelloise, Prix Femina 1952, un amour contingent vécu au long d’un demi-siècle, entre Paris et Venise, clandestin et avéré - à la manière d’un amour nécessaire. Assumé, lui, par Julia Kristeva (1941), philosophe, écrivain et psychanalyste prestigieux, épousée en 1967, mère de leur fils David. Enfin toutes les « artistes de la vie ». Femmes de… Ou peintres, actrices, musiciennes. Personnages romanesques inventés : Kate ou Reine. Evoqués : de la Merteuil à Cléopâtre. Sur l’air de défi du Don Giovannide Mozart : « Vive les femmes et le bon vin, soutien et gloire de l’humanité ! »

Michel Boissard

Portraits de femmes, P.Sollers, Flammarion, 2013, 15 euros