UN BAROQUE VOLUPTUEUX ET MYSTIQUE
Avez-vous lu Joséphin Péladan (1858-1918) ? Anatole France saluait dans ce lyonnais de famille cévenole - entre Le Vigan, Alès et Saint-Martin de Valgalgues - « un artiste, absurde si vous voulez, fou tant qu’il vous plaira, mais un écrivain de race ». Drieu la Rochelle, pour sa part, souligne que ce mauvais élève des collèges nîmois de l’Assomption et Saint-Stanislas, est « un assez digne disciple de Barbey d’Aurevilly et de Villiers de L’Isle Adam ». Autrement dit un écrivain qui entrelace le fantastique à un naturalisme de la cruauté. Léon Bloy, catholique et mystique comme lui, l’a caricaturé sous les traits de Zéphyrin Delumière, personnage baroque de « La Femme pauvre », stigmatisant son « esthétique de pissotières » ! Car l’auteur de « La Décadence Latine », éthopée (peinture des mœurs et du caractère des héros de fiction), en 21 volumes ( !), a consacré un roman (1891) et un essai (1910) éponymes à L’Androgyne. Ni l’un, ni l’autre sexe, un « troisième sexe » dira Théophile Gautier qui « a le corps et l’âme d’une femme, l’esprit et la force d’un homme » (Mademoiselle de Maupin, 1835). Péladan est fasciné par ce genre indistinct qui respire la nostalgie d’ « un sexe initial et d’éternité » renvoyant au paradis perdu de la Beauté primitive. A l’Egypte du Sphinx interrogeant les passants avec l’énigme bien connue : qu’est-ce que l’Homme ? A la Grèce des statues idéales de Phidias, Lysippe et Praxitèle. Comme aux anges des cathédrales du XIIe siècle. Et plus loin, à Aimeri de Narbonne qui « a la grâce d’une vierge souriant sous ses longs cheveux ». Ou bien à l’adorable Chérubin des « Noces de Figaro » de Mozart : « Voi che sapete che cosa é amor »…
Michel Boissard
De l’Androgyne, J. Péladan, Allia, 2010, 6,10 euros