PAULHAN NOUS MANQUE
Il fallait « un créateur d’images qui saisit l’irrésistible cocasserie du monde » (Kléber Haedens) pour rendre hommage à Jean Paulhan (1884 – 1968). A l’écrivain nîmois, artiste du « biais », qui considérait ensemble l’avers et le revers des choses. C’est un familier des monts du Livradois - longtemps résidant à Ambert (le pays des « Copains » de Jules Romains !) - qui s’y colle. Grâce aux Editions Julliard, Alexandre Vialatte (1901 – 1971) salue - de manière posthume - l’auteur des « Fleurs de Tarbes ». Ce qui nous vaut le plaisir de (re) découvrir le style décapant et l’ironie subtile du premier traducteur français de Kafka. Au travers des chroniques données au quotidien auvergnat « La Montagne » durant l’année 1968 ! Entre une évocation de Ouagadougou et un panégyrique du requin bleu, du temps qu’on ensevelit Paulhan « au fond d’un puits de pierre », au cimetière de Bagneux, Vialatte brosse le portrait du « Guerrier appliqué », revenant de 14/18, en compagnie du poète Francis Jammes et du conteur Henri Pourrat, en intercesseur de la littérature au fin fond du Massif central. Ou bien du même, dans sa chambre parisienne de la rue des… Arènes, cerné par un rempart de manuscrits, installé sous une vache rouge peinte par Dubuffet, ajoutant « pour la vraisemblance » quelques fautes d’impression aux épreuves d’un livre… « Il avait un grand goût de l’audace, de la justice et du travail bien fait. » Vialatte, dont l’humour était souvent provocant, disait : « Sauf erreur, je ne me trompe jamais. » Il avait raison. Quarante ans après son départ, Paulhan nous manque.
Michel Boissard
1968, Chroniques, A. Vialatte, Julliard, 2008, 20 euros