RIEN QUE LA TERRE
Au seuil de cette rare Anthologie des paysans, Pierre Joxerappelle que le mot-titre signifie en grec florilège. Et devant une « France paysanne aujourd’hui disparue », s’interroge : « S’agit-il de fleurs séchées ? » Qu’on en juge ! Avec le poète de langue d’oc, Guillaume du Bartas : « Je te salue, ô terre porte-grains, / Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains »… Télescopant les époques, avec l’uzétien-normand André Gide émerveillé « de cette abondance ordonnée, de cet avertissement joyeux, de ces souriantes cultures (d’où) s’établissait une harmonie, un rythme, une beauté tout à la fois humaine et naturelle ».Avec le manosquin Jean Giono éclairant le relief d’un paysage : « …entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras. Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. » « Penchés toute la vie » sur la glèbe, Charles Péguy - voit les générations successives « tailler, sarcler, biner, choyer, désherber, cajoler, regarder - regarder croître, pousser, mûrir, encourager, pousser du regard ».Rien que la terre, disait l’impénitent voyageur Paul Morand. La terre bas-de-laine pour la famille paternelle de Frédéric Mistral : « du côté des Mistral, c’étaient des laborieux, des amasseurs de biens qui, en tout le pays, n’avaient pas leurs pareils ». Tandis que « du côté de ma mère (ils étaient) tout à fait insouciants, n’étant jamais prêts pour aller au labour, laissaient l’eau courir et mangeaient leur avoir. » La terre des « bêtes d’abord » chantée par Victor Hugo : « Mugissements des bœufs, au temps du doux Virgile »… Enfin, la terre du gai Clochemerle où le bon curé Ponosse - imaginé par le lyonnais Gabriel Chevallier - confesse les turpitudes de sa faible chair…
Michel Boissard
Anthologie des Paysans, Stéphanie Viallefond, Balland, 2013, 22,90 euros