LES METAMORPHOSES DE MONSIEUR CAMELEON
Voici soixante ans, le romancier bordelais Raymond Guérin (1905-1955) rend visite à l’écrivain italien Malaparte (1898-1957), dans sa fameuse villa « Come me », soixante mètres au dessus de la mer, sur « l’abrupt rocher de Massullo » à Capri… Il en fera le récit aujourd’hui publié par l’éditeur girondin Finitude. Sous le signe du non-conformisme, le courant passe entre l’auteur de « L’Apprenti » (1946) - mémoires du garçon d’étage d’un palace parisien, et l’essayiste provocateur de « Technique du Coup d’Etat » (1931). Non que Guérin, prisonnier trois ans durant d’un camp de représailles nazi, manifeste la moindre indulgence envers celui qui a « cultivé le fascisme en amateur ». Avant que de devenir officier de liaison des Alliés, correspondant de guerre, résistant, et pour finir membre du Parti Communiste Italien ! Mais parce que ce « Monsieur Caméléon », - titre d’une nouvelle de Malaparte lui-même - le fascine précisément par son itinéraire d’écrivain « engagé », aux sincérités successives. Qui raconte que pendant la Grande Guerre qu’il fît comme volontaire en France, les jeunes italiens se partageaient entre le groupe « Pétrarque » et le groupe «Garibaldi ». Malaparte préférant toujours le poète de Laure au général des « Chemises rouges ». Ce qui ne l’empêcha aucunement d’écrire deux chefs d’œuvre de la littérature contemporaine. Avec « Kaputt » (1944) un reportage halluciné sur la Deuxième guerre mondiale en train de se faire. Et avec « La Peau » (1949), dans une Naples libérée par les américains, « le roman de la beauté qui délire » (Milan Kundera).
Michel Boissard
Du côté de chez Malaparte, R. Guérin, Finitude, 2009, 13,50 euros