L’ENCHANTEUR A BOUT PORTANT

Publié le par Michel Boissard

 

                                         

 

1950 : c’est le temps où l’engagement littéraire procède souvent davantage du conformisme que du talent. Il faut, à peine d’excommunication intellectuelle, avoir lu Sartre et Camus. Quatre « hussards » - le mot est de Bernard Frank (1929-2006), critique avisé de la revue (sartrienne) « Les Temps Modernes » - décident alors d’élire leur « général ». Les romanciers Jacques Laurent, Michel Déon, Roger Nimier et Antoine Blondin choisissent André Fraigneau (1905-1991). Né à Nîmes, lecteur d’avant-guerre chez Grasset, ami de Cocteau, démiurge de Guillaume Francoeur - un autobiographique personnage dont les « Etonnements » (1935-1942) méritent toujours la découverte.  Mais qui tourne mal sous l’Occupation. Passons sur cette confraternité littéraire de droite et relisons Fraigneau. « Le Dilettante » édite un choix étincelant de chroniques de celui qu’on nommait « l’enchanteur à bout portant ». Vérification faite avec  le portrait du « Prince de la jeunesse » Raymond Radiguet (1903-1923).  Auteur, trop tôt fusillé par la vie, du « Bal du Comte d’Orgel » - dont la dilection pour la « Princesse de Clèves » suffirait à le faire détester de l’actuel locataire de l’Elysée.  Fraigneau s’identifie au potache du « Diable au corps » qui séduit – adolescent cynique, orgueilleux et cruel - la jeune femme d’un « Poilu »  mobilisé sur le front de la Marne…  La même désinvolture souveraine le fait ironiser au passage du convoi funèbre parisien de la poétesse Anna de Noailles, l’aimée de Barrès, entre « un vol de pigeons tournoyant dans un ciel de printemps et une lumière de midi venant de la Concorde ». Savourez aussi un défilé de mode chez Christian Dior : « au premier rang de l’auditoire, M. André Maurois prend des notes… »  Remettez vos pas dans ceux de l’étudiant montpelliérain  qui se privait de déjeuner pour acquérir un recueil de mélodies d’Henri Sauguet !  Et croisez enfin  Paul Morand  - « l’esprit en marches » -  et la « magicienne de Verrières »,  Louise de Vilmorin, qui aima Malraux.

 

                                                                                                                                                   Michel Boissard

En bonne compagnie, A. Fraigneau, Le Dilettante, 2009, 17 euros

 

Publié dans articles La Gazette

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F
« Le Prince de la Jeunesse », n'était-ce pas ainsi que Maurice Barrès fut qualifié? Il est vrai que l'âge, et sa mort prématurée, plaide en faveur de Radiguet ... Mais peut-il y avoir deux “Princes de la Jeunesse” quasiment à la même époque?
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