DANS LA PEAU DES « INSPIRES »

« Rien de semblable à l’affaire des Cévennes dans toute l’histoire du monde. On a vu une fois le miracle du désespoir. »Les mots de Michelet pourraient figurer en exergue de « La Nuit des Camisards », la pièce de théâtre créée en 2008 à Saint-Jean-du-Gard, qui vaut le Cabri d’Or 2010 à l’auteur, acteur et metteur en scène Lionnel Astier. Témoignage de la « camisardophilie » (Marianne Carbonnier-Burkard) qui nourrit la légende de la Guerre des Cévennes (1702-1704), ce texte dramatique - le théâtre à lire n’est pas si fréquent ! - a le remarquable talent de permettre au lecteur de se glisser dans la peau des « inspirés », des « attroupés », des « religionnaires », de ceux de la « RPR » (Religion Prétendue Réformée). Et de (re)lire charnellement un épisode de l’affrontement opposant les armées de Louis XIV à un petit peuple cévenol de bergers, de cardeurs, de voituriers et de commerçants, révulsé par la Révocation de l’Edit de Nantes (1685) lui interdisant de confesser et de pratiquer sa religion. Lionnel Astier situe la scène la nuit qui précéda la mort violente du persécuteur patenté des protestants, l’abbé du Chayla, au Pont-de-Montvert (24 juillet 1702). S’y retrouvent en un condensé de cette histoire remplie de bruit et de fureur : Nouveaux Convertis par contrainte et anciens galériens pour la Foi, ardents missionnaires catholiques et militaires soucieux d’ordre, huguenots clandestins d’hier et de demain… Dominant de sa Parole, « inspirée et visionnaire », le troupeau des « Enfants de Dieu », le premier et le dernier des Camisards, prophétique autant qu’inoublié, Abraham Mazel (1677-1710)…

Michel Boissard