DE L’IVROGNE A LA MARCHANDE DE FLEURS…

Publié le par Biblinimes

http://multimedia.fnac.com/multimedia/FR/images_produits/FR/Fnac.com/ZoomPE/5/1/2/9782246747215.jpg

                                        

 

 

« Terreur grande » de Jean-Pierre Milovanoff entrelace l’autobiographie au roman dans l’histoire.  Comme aux  dernières lignes de « Russe blanc » (Julliard, 1995). Où le narrateur fait récit de sa rentrée au lycée de Nîmes. A la lecture de la fiche d’identité de Jean-Pierre, le professeur interroge : « « Alors,  jeune homme, Russe blanc ou Russe rouge ? (…) J’avais onze ans, j’ignorais le sens de ces mots, je fus pris d’une honte silencieuse… » Le superbe récit que voici fait mémoire des enfances de l’écrivain. Mettant en écriture concise et haletante une période sauvage de notre histoire contemporaine. La Grande Terreur stalinienne des années 1937-1938 en Union Soviétique. Le temps où les cadres  notoires du Parti communiste sont « purgés » par le « Petit Père des peuples ». Mais également le russe ivrogne qui détruit accidentellement un portrait du Chef de l’Etat. Ou la fleuriste occasionnelle du cimetière Préobrajenski, à Léningrad. Accusée, à 74 ans, de comploter avec un prêtre orthodoxe … Tous deux liquidés d’une balle dans la nuque. Au nom du socialisme. 750 000 morts en seize mois.  Sous l’emprise des petits chefs du NKVD, la police politique du régime - des Vassiliev  aux Gromov, voisins de la famille Milovanoff… Eux-mêmes finalement broyés par la machine infernale qu’actionne en Ukraine un certain Nikita Khrouchtchev… Le plus capturant dans cette fiction aux couleurs de cauchemar, c’est moins une évasion improbable, que la recréation d’un climat irrémédiablement oppressant. La culpabilité se déduit de la parole comme du silence.  On est fusillé à cause d’une rumeur. Pourtant, est-ce avec une banale Zinaida Nilova, taxée de « cosmopolitisme antisoviétique » que s’éclaire ce monde opaque. Au cœur du roman, elle récite miraculeusement du Verlaine : « Âme, te souvient-il au fond du paradis/ De la gare d’Auteuil et des trains de jadis / (…) Et sous les arbres pleins d’une gente musique, / Notre entretien était souvent métaphysique… »

 

                                                                                                                  Michel Boissard

 

Terreur grande, J.P. Milovanoff, Grasset, 2011, 14 euros

 

Publié dans articles La Gazette

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article