LE GENERAL DES GENS DE PEU
LE GENERAL DES GENS DE PEU
C’est au maître du roman populaire, Eugène Sue (1804-1857), l’auteur des « Fanatiques des Cévennes » (1841), que l’on doit une part de la légende noire du chef camisard Jean Cavalier (1681-1740). Présenté sinon comme un traître à la cause huguenote, du moins tel un transfuge finissant ses jours au service des anglais… Mais aussi à une protestante nîmoise, Marguerite Petit-Dunoyer (1663-1719). « Ecrivaine du Refuge », dont la fille, Pimpette, manqua d’épouser cette figure emblématique de la guerre des Cévennes. Stigmatisé de façon polémique - « du Héros au Zéro » - autant pour son caractère volage que pour son impécuniosité… D’origine modeste – Cavalier, fils de paysan, né à Ribaute (Gard), est « goujat » (valet de ferme) à Vézénobres, puis mitron à Anduze. Elevé dans la haine des papistes - il a quatre ans à la Révocation de l’Edit de Nantes (1685) - il est considéré dés 1702 comme l’un des plus convaincants prédicateurs et prophètes de la R.P.R. (Religion prétendue réformée). A vingt ans, figurant parmi les plus brillants des chefs militaires huguenots : Abraham Mazel, Gédéon Laporte, Rolland… Il est à la bataille gagnée contre les royaux à Champdomergue (1702). Stratège redouté, il triomphe à Nages, à Tornac, à Martignargues (1703-1704). Ce lion qui terrorise les catholiques et harcèle l’armée régulière, gravement défait en Vaunage, négociera de façon « malheureuse » avec les maréchaux de Louis XIV à Nîmes… L’historien Jean-Paul Chabrol renouvelle, avec empathie et rigueur scientifique, l’approche de cette rupture dans la vie de Cavalier. Qui accole l’injuste qualificatif de déserteur à celui qui fut légitimement considéré comme le général des gens de peu…
Michel Boissard
Jean Cavalier, une mémoire lacérée, J.P. Chabrol, Alcide, 2010, 10 euros