ROBERT SABATIER, AU MATIN DE LA VIE
Sur ce « Roman d’Olivier », on pourrait apposer la phrase de Chateaubriand : « Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d’images et d’harmonie. » Olivier, c’est Olivier Chateauneuf, le double littéraire du romancier Robert Sabatier (1923). Comme son créateur, très tôt orphelin de père et de mère. Né à Montmartre dans « l’éblouissante » rue Labat. « Exilé » ensuite chez les riches du canal Saint-Martin. Adopté enfin par l’Occitanie grand-paternelle. Saugues et les monts du Velay… On égrène des souvenirs de lecture de plus de quarante ans… « Les allumettes suédoises», « Trois sucettes à la menthe », « Les Noisettes sauvages ». La trilogie fondatrice (1969-1974). A quoi s’ajoute - emprunté au vocabulaire grec et musical - une fameuse « pentatonie ». Des « Fillettes chantantes » aux « Trompettes guerrières », en passant par « David et Olivier », « Olivier et ses amis » et « Olivier 1940 », l’écriture comme une gamme chromatique progressive, l’écriture généreuse, réaliste et populaire d’un monde maintenant englouti (1980-2007). Alain Bosquet a parlé à ce sujet d’un « néo-naturalisme romantique ». On revoit les films du « réalisme poétique » des années 1930 : Gabin, Vanel, Jouvet, Arletty… Les murs se couvrent à nouveau des publicités d’époque : Dubo, Dubon, Dubonnet… La rue retentit de « noms d’oiseaux » qu’échangent Loulou, Capdeverre, Riri, ou David : « poitrine de vélo », « bille de clown », « ce type, quel œuf », « amphibie à roulettes » et autre « Chinois d’Afrique ». Voici enfin le récit des années de formation de l’homme que deviendra Olivier. A quoi font écho quatre vers du poète Robert Sabatier (Dédicace d’un navire, 1959) : « Je te donne le nom de celui qui t’emporte /chargé de tout son rire et nu de ses regrets /Tu fus la course vive et tu fus la foi morte /un peu de toi navigue au dessus des forêts ».
Michel Boissard
Le roman d’Olivier, R. Sabatier, Omnibus, 2011, 29,50 euros