UN AMOUR DE PAUL VALERY

Publié le par Michel Boissard

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« Jeanne ton corps me suit. O mains pleines de Jeanne/ O pensée où revient ton silence et ta voix/ Et ce mélange d’ombre à l’été qui se fane/ Que nous venons de boire au fond mourant des bois…/ » Signé : Paul Valéry !  A qui  dédiés, ces vers incandescents ? A Jeanne Loviton, dite Jean Voilier (1903 – 1996). Née de père inconnu, elle prend sa revanche sociale dans une triple aventure d’amoureuse, d’écrivaine et de femme d’affaires. Mariée à Pierre Frondaie, homme de lettres  oublié, mais qui eut son heure avec le célébrissime « L’ Homme à l’Hispano » dans le cœur des années 1930. Fréquente Jouvet. Porte des robes de Lanvin.  Loge dans un hôtel particulier d’Auteuil. Dîne chez Maxim’s. Puis divorce, et publie son premier roman « Jours de Lumière ». Affole Giraudoux et drague Saint-John Perse. Enfin, à la veille de la deuxième guerre mondiale, croise le chemin de l’intelligence faite homme : Valéry. Qui tombe fou amoureux, lui adresse un millier de lettres dont cent-cinquante poèmes d’un érotisme surprenant. Jeanne c’est la  « Divinité », le « diamant vivant », « Calypso » - la nymphe qui séduit Ulysse - archétype de la mètis des anciens Grecs selon Homère… Il ne croit pas si bien dire. Celle qu’il compare à un « toboggan » le largue le jour de Pâques 1945, lui annonçant qu’elle a jeté son dévolu sur l’éditeur de « Voyage au bout de la nuit » : Robert Denoël… Qui sent le soufre à la Libération. Au point de se faire descendre et d’expirer dans les bras de Jeanne… Editrice, elle révèlera Malaparte, mais proie des colères récurrentes de Céline, se métamorphose sous sa plume incendiée  en  « Thénardière »,  « Tigresse à procès », « Bavacheuse » ou « Superpétasse »… Un personnage romanesque conclura François Mauriac, qui s’y connaissait…

                                                                                                                                                      Michel Boissard

Portrait d’une femme romanesque Jean Voilier, Célia Bertin, De Fallois, 2008, 22 euros

 

 

Publié dans articles La Gazette

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