ECRIRE LA MERE

Publié le par Biblinimes

 

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Dans la lignée des écrivains de la mère, il faudra désormais compter avec Christian Estèbe (Montpellier, 1953). Et, peut être, dans cette famille littéraire, se tient-il plus proche d’Albert Cohen (Le Livre de ma Mère, 1954) et de Tahar Ben Jelloun (Sur ma mère, 2008), que de Jacques Chessex (Pardon mère, 2008).

Car « La gardienne du château de sable » est davantage le réenfantement par le fils de sa propre génitrice, qu’un tardif péan à l’abnégation maternelle. Le lecteur qui avait apprécié la sobriété de « Petit exercice d’admiration » (Finitude, 2007), cette singulière promenade dans la vie de l’écrivain nîmois Marc Bernard (1900-1983) et dans l’amour de sa « bien-aimée » Else, retrouvera ici la tendresse lucide qui l’accompagnait. Tout commence avec la mort de ce « visage premier », perçu à l’aube de son existence par chaque nouveau-né. « Elle était morte sans cris, sans larmes, sans paroles (…) elle qui avait beaucoup crié, pleuré, souffert, trop certainement pour un être si simple et si ordinaire. » Maintenant, les tiroirs hermétiquement clos s’ouvrent. Qui était-elle ? Née de père inconnu, brutalisée par sa mère qui la qualifiait de « Bâtarde », à la manière de la romancière Violette Leduc (1907-1972). Le temps qu’on la transfère du centre funéraire de Grammont (Montpellier) vers la Fac de médecine - elle a « légué » son pauvre corps à la science - émergent les photos sépia. Ici, « elle a été cette femme-là, en blanc, appuyée contre une jarre ». « Là, elle a les cheveux longs, noirs jais, et porte des boucles d’oreilles. ». Jeune femme aimante de son mari et de son seul fils « elle a tant pleuré pour l’avoir ». Qui se raconte à travers elle à la manière de la redécouverte d’un itinéraire d’homme. « Elle sera mon passé. » Mais une fois les clichés ôtés de l’album,  il n’y a que « l’envers de nos vies qui ne laissent qu’une petite trace dans la mémoire de ceux qui restent. » On évoque Proust : « Le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant. »

 

                                                                                                              Michel Boissard

 

La gardienne du château de sable, C.Estèbe, Finitude, 2012, 16,50 euros

 

Publié dans articles La Gazette

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