LA PRIERE DU MATIN

Publié le 21 mai 2011 par Biblinimes

Quel est le point commun entre Alphonse Daudet, François Mauriac, Maurice Barrès et André Gide ? De figurer ensemble au panthéon des lettres françaises. Natifs ou passants considérables du Sud méditerranéen, d’avoir érigé leur appartenance géographique en piste vers l’universel. Et entre Théophile Gautier, Nerval, Proust et Claudel ? Comme les premiers cités, de compter parmi les grandes plumes du « Figaro ». Et d’avoir procuré du plaisir aux quidams participant au rite moderne que Hegel nommait « la prière du matin » - la lecture du journal. C’est un régal pour l’esprit que de découvrir dans cette anthologie, de l’inattendu communard Jules Vallès, l’ éloge sarcastique et tendre du Livre : « Ici l’on rêve. – Ici l’on flâne. – Ici l’on pleure. (…) Pauvre cœur qui avance ou retarde, qu’on règle sur le volume comme un bourgeois règle sa montre… » De (re) lire « Pour les Juifs » et « Le syndicat » (1896-1897) signés par un Zola déjà au combat. Avant le « J’accuse » (1898) de l’Affaire Dreyfus ! De savourer l’anarchiste Octave Mirbeau - plus tard collaborateur de « L’Humanité » - prêchant « la grève de l’électeur » (1888) : « …plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher. Il a fait des révolutions pour conquérir ce droit. » D’apprécier la critique ébouriffante (1932) de Georges Bernanos sur l’auteur du « Voyage au bout de la nuit » : « … La question n’est pas de savoir si la peinture de M. Céline est atroce, nous demandons si elle est vraie. Elle l’est. » De conclure avec une pensée très actuelle du philosophe de « l’Île singulière » - le sétois Paul Valéry : « Toute politique suppose une idée de l’homme, car il s’agit de disposer de lui, de s’en servir, et même de le servir. » (1938)

Michel Boissard

Les grands écrivains publiés dans le Figaro (1836-1941), B. de Saint Vincent, Acropole, 2011, 27 euros